Nous proposons une découverte du village qui reprend l’itinéraire suivi lors d’une visite organisée pour un groupe d’une association de patrimoine de Montfrin. Le texte suivant correspond à des notes rédigées pour la préparation de la visite.
Partant de la mairie, elle traverse le centre ancien du village et permet de découvrir l’ancienne mairie, l’église, la maison Deleuze-Rochetin, le château et le temple.

Devant la mairie : présentation générale

Vue générale d'Arpaillargues
Vue générale d’Arpaillargues

Le village d’Arpaillargues-Aureilhac se compose de 2 villages réunis en 1813 par un décret napoléonien, comme plusieurs villages aux alentours : Sanilhac- Sagries ; Serviers-Labaume, Montaren-St Médiers… Nous n’irons pas à Aureilhac, jadis village à part entière avec une église fortifiée aujourd’hui transformée en habitation, un château et de belles maisons. Ce hameau, à l’écart de la route départementale, est plus tranquille qu’Arpaillargues.
Le village compte aujourd’hui en 2018, 1033 habitants mais en comptait 235 en 1954, 459 en 1982 et 785 en 2000. De nombreuses villas et lotissements se sont donc construits sur sa périphérie.

La période gallo-romaine

Tessons gallo-romains
Tessons gallo-romains

Le nom des 2 villages témoignent de leur ancienneté et de leur origine romaine. Les terminaisons « argues » et « ac », si nombreuses dans le département, signifient « propriété de », ce qui donne : domaine d’Arpilius pour Arpaillargues et domaine d’Aurélius pour Aureilhac.
Un grand nombre de tessons de poterie tegula (tuile) ou dolium (jarre) ou même de sigillés (rouge plus fine) se retrouvent dans les vignes, dans les murs et sur les chemins. On peut trouver aussi des lames de silex, des poteries grises… qui attestent que le lieu est habité depuis fort longtemps. Les gorges du Gardon avec leurs nombreuses grottes sont proches et de nombreux sites d’habitat ont été trouvés dans la vallée de l’Alzon. Nous n’en sommes pas très loin.
Pour revenir aux gallo-romains, il y a eu 3 grandes trouvailles sur la commune.

  • Planche archéologique
    Planche archéologique

    La plus ancienne : les tombes du Bas-Empire mises au jour en 1877 à quelques centaines de mètres de la mairie dans la propriété de Mr Deleuze. Formées de tégulae et de pierres du pays nommées combarlo, elles contenaient des vases de terre, des monnaies, un médaillon incrusté d’ivoire et de lapis azzuli, des bagues datant du 3e ou 4e s. Conservés par Mr Rochetin certains éléments figurent sur la planche archéologique donnée par leurs descendants : elle se trouve dans une vitrine muséographique dans la bibliothèque.

  • La 2e : le bassin d’une villa romaine au Pré des Mières en 1997. Bassin de réception des eaux de la source, bassin d’agrément lié à une riche demeure ou réservoir agricole pour l’irrigation, il remonte à l’antiquité tardive (3e ou 4e s.).
  • Statue de Priape
    Statue de Priape

    La 3e et la plus spectaculaire : la statue de Priape qui se trouve dans la mairie et que nous irons voir. C’est une statue gallo-romaine trouvée en 1970 par Alfred Mercier lors d’un labour profond d’une terre du château d’Aureilhac. Elle mesure 1,40 m. Le sculpteur a représenté le dieu Priape, dieu des jardins, des vignes, de la fécondité comme un homme de taille réelle dans une pierre calcaire claire. Priape est le fils de Dionysos et Aphrodite (pour les grecs, Vénus et Bacchus pour les romains). Il porte une tunique plissée à la manière romaine ceinturée, avec de courtes manches fermées par des boutons . Dans le dos un beau plissé et sur le devant il relève sa tunique de ses 2 mains comme un tablier formant corbeille pour porter des fruits (comme une corne d’abondance). Il laisse voir les organes génitaux et un pénis en érection : c’est une statue dite « ithyphallique ». La posture est élégante et la sculpture est fine, on peut voir le dessin des sandales, les crevés des manches, mais pas la tête. Elle était amovible et n’a pas été retrouvée. C’est une statue très rare, elle se rapproche de la statue du Priape d’Éphèse datée du 2e s. Nous avons réalisé un petit livret, Philippe et moi, en 2008 lors de la donation de ce Priape à la mairie (télécharger le livret de présentation de la statue du Priape).

Plaque gravée
Plaque gravée

La plaque gravée du 17e s.(1654) qui se trouve à coté de Priape a été retrouvée juste en face de la mairie : elle est classée et indique les faveurs accordées au notaire royal Jacques Sadargues. Il est exempté de toutes contraintes probablement pour services rendus au régime en place : « Par édit et lettres patentes du Roy, Jacques Sadargues est exempt de toutes charges de Consul clavère de tutelles séquestrations guet garde logement des gens de guerre et autres mentionnés aux dites patentes ».

 

Mairie d'Arpaillargues-Aureilhac
Mairie d’Arpaillargues-Aureilhac

Avant de continuer la visite vous pouvez remarquer qu’il y a 2 dates gravées sur la façade de la Mairie qui était avant l’école du village, construite en 1884. Longtemps classe unique et mixte avec au-dessus un logement de fonction elle a été agrandie d’une 2e classe et d’un 2e logement de fonction. Nous nous trouvons dans la cour où il y avait un préau transformé en salle communale.
Ce bâtiment a été transformé en Mairie en 1992 et l’école déplacée en limite du village et agrandie. Il y a maintenant 4 classes.

Pour finir vous pouvez remarquer aussi la fontaine, créée par un artisan d’Aubussargues, François Baudry. Certains trouvent qu’il évoque Bacchus et qu’il serait ainsi apparenté à Priape. La fontaine se trouve à l’emplacement d’un puits à roue communal car l’eau courante n’est arrivée au village qu’en 1957. Toutes les maisons avaient leur propre puits, la nappe phréatique est importante.

Juste un peu plus haut vers la sortie du village vous pouvez voir un autre puits avec un bel abreuvoir où venaient boire moutons et chevaux il n’y a pas si longtemps. Au sujet de l’eau on pourrait parler de la rivière et du moulin de Chalier transformé en Musée 1900, mais ce serait un peu long et je vous invite donc à revenir pour le visiter et nous continuons en nous dirigeant vers l’ancienne mairie-école.

Porche de l’ancienne mairie

Porche sous l'ancienne mairie
Porche sous l’ancienne mairie

En passant sous l’arceau nous entrons dans l’ancien fort. Comme tous les villages alentours et comme Montfrin, Arpaillargues était un fort, entouré de remparts dont il reste peu d’éléments qui ont été incorporés dans le bâti, seule reste la forme circulaire. Un peu plus loin sous un autre porche, nous pourrons observer un vestige du rempart.
Au-dessus du porche se trouve l’ancienne mairie-école. C’est ainsi qu’elle est signalée dans les archives avec les dates 1861-1918 pour la construction d’une école. Elle est surmontée d’une tour ou beffroi avec un campanile protégeant une cloche et une girouette, au dessous une horloge et un cartouche indiquant la date de construction 1874.
Les tours-horloges sonnent l’heure civile (la cloche est frappée) à la différence des cloches d’églises sonnant l’heure liturgique (la cloche bat).
Le passage où nous nous trouvons n’était pas aussi large à l’origine : il a été agrandi pour permettre l’accès plus facile aux charrettes vers l’église ou le four à pain (cf. : cahier de délibérations). Le four a dû fonctionner jusqu’au premier tiers du 20e s. Poursuivons vers l’église.

L’Eglise

Eglise Saint Christophe
Eglise Saint Christophe

C’est une petite église romane remaniée. Nous pouvons observer de belles pierres taillées en arrêtes de poisson, technique de taille du Moyen Age, et l’ajout du clocher au 20e s. avec une pierre plus jaune et tendre.
Une seule nef, des murs mis à nu comme c’était la mode au milieu du 20e s. Les peintures au pochoir comme dans presque toutes les églises de l’Uzège ont disparu. Des habitants d’Aureilhac, Mr et Mme Eifler, amis de Dieter et Irmgard List,ont participé avec le prêtre de l’époque à la restauration et à la transformation de l’église dans les années 1970 dans un souci de sobriété et selon les directives de Vatican II. Les vitraux ont été refaits ; ils sont signés par un vitraïste, Max Pelletier, en 1979, chacun représentant un des quatre éléments.
L’Église est dédiée à St Christophe, patron des voyageurs. La légende dit qu’il était un géant, passeur de voyageurs à travers un torrent impétueux. Un jour, arrive un petit enfant. S’appuyant sur son bâton, Christophe le prend sur ses épaules pour lui faire traverser le torrent et son danger mortel. Il s’étonne de son lourd poids mais l’enfant lui répond : « En me portant, c’est le monde entier que tu as porté » .
A proximité devait se trouver le presbytère. Ce n’est pas la maison la plus proche mais peut-être celle à côté qui porte une croix dite « des templiers », une croix pattée visiblement fort ancienne. Un lien avec Montfrin ?

Revenons sur nos pas pour emprunter la rue de la Marthe. Ces petites rues n’avaient pas de nom hormis la Grand’rue et la Rue basse, puis il a fallu leur attribuer un nom et là on a choisi celui d’une vieille dame, un personnage du village qui était lavandière et très bavarde et qui habitait cette petite rue. Passons sous le porche pour apercevoir les restes du rempart et surtout l’agrandissement bien rectiligne de la maison qui avait parait-il une meurtrière.

Maison Deleuze Rochetin Bervillé.

Maison Deleuze-Rochetin
Maison Deleuze-Rochetin

Voici une maison bourgeoise appelée avant « le château » car il s’agissait du 2e château du village, possession des co-seigneurs, entre autre au 17e, de la famille de Bargeton. Vendu à la famille Deleuze en 1822 il fut détruit par un incendie et reconstruit au même endroit en 1835 ne conservant que le portail Louis XIII et la tournelle, vieille tour où parait-il on rendait justice et qui se trouve incorporée à la ferme dite du château que possède aujourd’hui la dernière compagne de Jacques Brel.
Ce château a appartenu à Mr et Mme Rochetin née Deleuze et à ses descendants les familles Braquet et Béraud connues dans le village pour posséder de très nombreuses terres, il appartient aujourd’hui à la famille Bervillé.
Mr Rochetin était un magistrat, un érudit passionné par l’archéologie président de l’académie du Vaucluse, poète en langues française et provençale et auteur de nombreux travaux historiques sur les villes d’Avignon, Uzès, Le Pont du Gard. C’est lui qui présenta les résultats des fouilles des tombes du Bas Empire, lui qui constitua la planche archéologique et encore lui qui étudia la plaque gravée du 17e s.
La famille Bervillé, les actuels propriétaires, amateurs d’art, y ont installé un atelier de lithographie, où sont imprimés au moyen de vieilles et magnifiques presses des lithographies d’art. Régulièrement des artistes de renom viennent dessiner sur des grandes pierres lithographiques pour des impressions en tirages limités. M et Mme Bervillé présentent aussi des expositions en collaboration avec la Galerie d’art Deleuze-Rochetin liée à la cave près du moulin de Chalier, ou même à la bibliothèque d’Uzès quand j’y travaillais.

Le Château

Le château d'Agoult
Le château d’Agoult

Il a peut-être été construit à l’emplacement d’une villa romaine, celle d’Arpilius. On en trouve trace dans les archives au Moyen Age dès 1156 : il est signalé fief de Raymond, petit-fils du 1er Seigneur d’Uzès ; il est ensuite partagé entre plusieurs co-seigneurs comme on l’a dit plus tôt, dont l’ Évêque d’Uzès et cela jusqu’au 18e s. On trouve mention de Pierre d’Arpaillargues en 1200, Raymond d’Agoult en 1208, Pierre Brémont de Montaren 1261, Bertrand de Deaux et l’épisode des tuchins (vous connaissez peut-être ces jacqueries du Languedoc) où des paysans et artisans se révoltent contre la misère et les impôts et brûlent les châteaux.
En 1559, la famille de Bargeton (possédant les fiefs d’Arpaillargues et de Vallabrix) acquière le château ; elle fait même réaliser, sans doute pour le château, une magnifique façade renaissance mais qui se trouve à Vallabrix (village au nord d’Uzès) et enfin en 1647 la seigneurie d’Arpaillargues revient à Charles d’Agoult, Marquis de Montmaur.

En 1770 Henri-François d’Agoult, le fils aîné, entreprend de vastes travaux d’aménagement du château qui apparaît comme on peut le voir aujourd’hui avec une façade Louis XV. On dit même qu’il s’y est ruiné (et qu’il n’a pu le terminer : en effet, les sculptures autour des fenêtres ne sont pas terminées) et en 1787 le 2e fils en hérite.

Nous y reviendrons mais il faut noter aussi qu’à la Révolution le château n’a pas été inquiété, la population s’étant opposée aux pillages.
Les d’Agoult étaient propriétaires des 3 terres : Arpaillargues, Aureilhac et Castille. Ils vendent le château à Louis Puget en 1807. En 1965 il est la propriété de Mr Handbury, un anglais qui achetait et rénovait de nombreux châteaux de l’Uzège. Il l’a vendu à François Nourrissier en 1965 qui lui même l’a vendu à la famille Savry en 1973. Il est depuis un hôtel restaurent 4 étoiles.

Des propriétaires illustres

Pour en revenir à quelques propriétaires illustres il faut remarquer qu’ils ont tous un lien avec la littérature.

    • Henri-François d’Agoult, qui a embelli le château, flambeur plus que marin, se ruina. Sa veuve, Christine Félicité de Loys de Loinville, dite Madame de Montmaur, alla s’installer à Grenoble où elle brilla par sa beauté et sa conversation « un peu décolletée » dans les salons de la société grenobloise. Elle fut involontairement l’héroïne des « Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos qui la dépeignit sous les traits de la Marquise de Merteuil.
    • Charles, le frère cadet, marin dans l’âme, revint en 1788 d’un de ses voyages à Saint- Domingue marié à une jeune et riche veuve créole. Leur arrivée à Arpaillargues, accompagnée d’une escorte de serviteurs créoles, fit sensation.
      Mémoires de Charles d'Agoult
      Mémoires de Charles d’Agoult

      Deux ans plus tard, en 1790, naissait Charles Constance : l’événement fut fêté bruyamment au village par plusieurs jours de feux de joie et de farandoles arrosées de vins du pays. Mais la perte de la colonie française de Saint Domingue priva les d’Agoult des revenus des plantations de sucre et de café qui avait fait leur richesse. Ils vendirent le château. Entre temps Charles après des études à Nîmes et à Uzès est monté à Paris suivre une carrière militaire et il se marie à la fameuse Marie d’Agoult, Marie de Flavigny dont on parle toujours, qui l’a délaissé pour Franz Liszt et qui sous le pseudonyme de Daniel Stern fut une femme de Lettres célèbre, mais qui n’a jamais habité ici.
      Charles voulut lui montrer le château où il était né, que son père avait vendu 20 ans plus tôt. Ce fut un accueil extraordinaire : un habitant du village l’invita a rendre visite à un parent malade ; Charles toucha le malade et il guérit !!
      Nous avons appris toute cette histoire par leurs descendants, le comte et la comtesse de Saint Priest d’Urgel d’Avignon, qui sont venus souvent à Arpaillargues et qui ont fait éditer le livre de Mémoires de Charles d’Agoult. Un livre d’ailleurs préfacé par François Nourrissier.

    • François Nourissier, journaliste et romancier, président de l’Académie Goncourt, raconte son séjour au village dans les livres Le maître de maison et La maison mélancolie. Il avait passé des vacances à Moussac dans sa jeunesse et quand il a cherché une maison au soleil, il a repensé à la région. Il recherchait un mazet, il acheta en quelques jours les 21 pièces d’Arpaillargues, sans compter les communs, la magnanerie : « La belle mais un peu hautaine maison d’Arpaillargues est la seule de nos demeures a nous avoir offert de réelles découvertes, du dépaysement, de la frime, parfois une espèce d’effroi. Nous l’habitions comme un vêtement trop large, beau mais trop large… un coup d’étonnement à Arpaillargues était toujours possible : quand la façade rosissait au petit matin, vue de la route de Blauzac, ou le soir, quand nous jouions aux croquants, elle abandonnant son livre sur ses genoux, moi tisonnant. Au-dessus de nous, le manteau de la cheminée dessinait une arche de pierres si large que, par le portail imaginaire, une charrette fût passée. »

Poète des jours de pluies

En ce qui concerne la littérature il faut tout de même parler de ce poète d’Aureilhac, le poète des jours de pluie Alfred Méric né en 1870 qui après avoir habité Arpaillargues, habitait l’ancienne église d’Aureilhac. Il a produit de nombreux textes en français et en languedocien et édité une revue appelée L’Arpagus en 1914. On le présente comme un personnage révolté, libre-penseur, provocateur mais plein d’humour et éternel amoureux.
« L’uniformité nous ennuie
Nous réclamons tous du nouveau
Pour te prouver que je varie
Je resterais jusqu’au tombeau
Agriculteur quand il fait beau
Et poète, les jours de pluie »

Le Temple

Le Temple
Le Temple

Construit en 1838, le temple témoigne de l’importance de la communauté protestante. Le village a adhéré à la religion dite réformée comme de nombreux villages au sud ouest d’Uzès et comme Uzès même à partir du 16e s. où toute la population a embrassé cette religion à la suite de la famille de Crussol, seigneur d’Uzès et de l’Évêque Jean de Saint Gelais. Par contre on n’a pas trouvé trace d’un temple détruit comme à Uzès. Dans certains villages les cultes avaient lieu dans la maison communale.

Quelques tristes épisodes évoquent cette dure période.
Dans ses Mémoires justement comme on vient d’en parler au château, Charles d’Agoult signale : « Arpaillargues est tout protestant on n’y contait que 2 ou 3 familles catholiques venues de Montmaur avec mon grand-père ». De même en 1815 selon l’écrivain monarchiste Adolphe de Pontecoulant : « la population est de 500 personnes environ et presque tous calvinistes ».

L’Assemblée de Fontèze – 1750

L’épisode de Fontèze est la suite de la Guerre des Cévennes, période troublée et douloureuse. Évoquée, entre autres, par le livre de Gaston Chauvet sur Uzès, l’assemblée de Fontèze en 1750 est un épisode tragique pour la communauté protestante de l’Uzège.
« Sur la rive gauche de la rivière des Seynes, à cinq cents mètres du pont d’Arpaillargues est un quartier d’olivettes et de bois. Les lieux offraient des clairières relativement désertes, aussi furent-elles choisies par les réformés pour y tenir trois de leurs assemblées clandestines, au temps où la liberté de se réunir pour prier leur était refusée. On croit que ces rassemblements, interdits depuis la révocation de l’Edit de Nantes avaient cessé avec la fin de la résistance camisarde vers 1710. Il n’en est rien.
Le 22 novembre 1750, sur un mot d’ordre diffusé aussi secrètement que possible descendaient par les chemins rocailleux et les chemins creux tous les Huguenots d’Arpaillargues et d’Aubussargues, de Montaren et de St-Quentin, rejoignant ceux d’Uzès, venus par de longs détours, pour ne pas attirer l’attention des troupes du roi cantonnées à la Grande Bourgade. Mais alors que s’élevait le chant des psaumes et que le prédicant Pradel commençait à exhorter ces fidèles, une troupe de 130 soldats les encerclaient sans pouvoir cependant les empêcher de favoriser la fuite de leur pasteur et de ceux qui l’accompagnaient. Les autres furent faits prisonniers. Par le chemin de la Garriguette, monta alors vers Uzès, un long cortège de 200 captifs… »

L’affaire d’Arpaillargues – 1815

Manuscrit de Mathieu Surian
Manuscrit de Mathieu Surian

Directement lié au fait que presque toute la population du village était protestante, un incident dramatique s’est produit en 1815. Épisode raconté par André Chamson dans son livre « Les taillons ou la terreur banche » mais aussi dans un livret écrit par Maurice Larguier, habitant du village, qui a retrouvé le journal d’un des protagonistes, Mathieu Surian, revenu au village après sa condamnation au bagne (et même à mort) puis réhabilité.
« Malheur qui me sont arrivés l’an 1815, nous avons été victime de la Révolution. Lorsque Napoléon est revenu en France, une troupe de brigands se sont engagés et sont partis pour l’arrêter. Mais leur projet fut inutile, ils furent obligés de capituler et de laisser leur armes. Mais une partie de cette troupe n’avait pas voulu déposer les armes parce qu’il avaient de mauvaises intentions. En se retournant, ils passèrent dans plusieurs villages pour assassiner les protestants. Une troupe de ces brigands se sont portés sur Arpaillargues avec de mauvaises intentions, croyant de piller comme ils avaient fait dans plusieurs villages. Malheureusement nous avons voulu défendre nos propriétés et nos personnes, nous avons été obligés de nous battre. Donc un de ces hommes fut tué, 4 furent blessés et 12 faits prisonniers. Les prisonniers furent traités fort bien, on leur donnait à boire et à manger comme s’ils avaient été de nos hommes. Ils n’ont pas dit cela quand ils ont été à Nîmes, ils ont dit tout le contraire, ils ont dit que nous les avions assassinés. »

L’incident fit grand bruit, dès qu’il fut connu à Nîmes, où l’on ne parla plus désormais que du « massacre d’Arpaillargues ».

S’en est suivi des procès et de lourdes condamnations et exécutions dans le village et à Nîmes. Sur l’intervention sans doute de Guizot (secrétaire du ministre de la justice et originaire de Nîmes) 3 des condamnés à mort virent leurs peines commuées en travaux forcés à perpétuité puis ils furent libérés en 1818 et réhabilités ils reçurent une pension au titre de « personnes condamnées pour causes politiques sous la Restauration ». « Le verdict impitoyable et d’une sévérité excessive ne fut qu’une manifestation de l’esprit de rancune et du désir de vengeance de certains groupes monarchistes envers les bonapartistes (les protestants étaient traités de bonapartistes) et les républicains qui les avaient chassés du pouvoir en 1789 et qui dirigeaient la France depuis 25 ans. »

A remarquer aussi dans le temple : la liste des protestants morts pour la France. Un monument aux morts rassemble les catholiques et les protestants dans le nouveau cimetière. Il y avait 2 cimetières accolés : l’un protestant et l’autre catholique. Tout comme il y avait des épiceries et des cafés protestants et d’autres catholiques et il était mal vu de se marier hors de sa religion jusqu’au milieu du 20e s. Aujourd’hui on compte parmi les vieilles familles du village autant de protestants que catholiques et pour les nouveaux arrivants la question de la confession religieuse ne se pose plus. Fort heureusement les temps changent.

L’enclos de Coste Joulène

Cabane pierre sèche de Coste Joulène
Cabane pierre sèche de Coste Joulène

Le village d’Arpaillargues-Aureilhac possède un patrimoine de constructions en pierre sèche intéressant.
Dans les collines au nord du village envahies de chênes et de pins recolonisant les terres abandonnées depuis plusieurs décennies, un long réseau de murets de pierre sèche délimite l’ancien parcellaire et témoigne de l’intense activité qui régnait au 18-19e s. sur ces lopins ingrats. Ponctué de plus de 120 cabanes et abris de pierre sèche, ce maillage calcaire est impressionnant. Difficile d’imaginer aujourd’hui, à l’époque du machinisme, que tant de mains nues aient pu bâtir ces constructions résistant au temps. Elles représentent un savoir-faire transmis de génération en génération, aujourd’hui oublié, que tente de faire redécouvrir l’association en empruntant le sentier d’interprétation des Conques qui a été mis en place avec l’aide de la Mairie en 2008.

La promenade permet de voir 8 cabanes principalement de forme ogivale caractéristique des cabanes de l’Uzège. La plupart sont privées. Certains propriétaires les ouvrent à l’accès public en y réservant parfois des surprises.
Vers la fin de l’itinéraire le promeneur peut se détendre dans l’enclos communal de Coste Joulène où se trouve une petite cabane récemment restaurée par les Bâtisseurs de Pierre Sèche et la Zébrine qui poursuit la restauration des murs de clôture.

La pierre calcaire dure d’Arpaillargues est réputée. On la retrouve dans le pavage d’hôtels particuliers d’Uzès et de la cour de la mairie. Tirée du sol pour permettre les cultures, elle a permis aussi la construction de kilomètres de murs.

En 14 stations, le sentier évoque l’histoire d’un territoire façonné par le climat, les siècles, les habitants, leurs traditions et leur culture, il est accompagné d’un topo-guide téléchargeable.

Quelques vues de la balade

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